LE GUÉPARD
 

Connu pour être le mammifère terrestre le plus rapide du monde, le guépard est également l’un des carnivores les plus menacés d’Afrique. En dehors des menaces anthropogéniques classiques auxquels la plupart des animaux sont confrontés comme la destruction de l’habitat, le braconnage et les conflits hommes-animaux, le guépard subit également des pressions écologiques. Il existe en effet un risque sérieux d’extinction de l’espèce due à un goulot d’étranglement génétique en raison d’un patrimoine génétique peu diversifié. Le guépard est par ailleurs particulièrement sensible à la compétition interspécifique. En effet, le guépard est souvent victime de kleptoparasitisme commis par les autres grands prédateurs africains qui n’hésitent pas à s’en prendre aux petits voir même aux adultes.

Le guépard était autrefois répandu dans toute l’Afrique à l’exception de la grande forêt dense du Bassin du Congo. Il était également répandu dans tout le Moyen-Orient jusqu’en Inde. Le guépard asiatique a quasiment disparu du continent à l’exception de quelques spécimens qui survivent difficilement en Iran. Les derniers guépards de l’Inde où il était autrefois répandu ont été tués par un Maharajah au milieu du XXe siècle. En Afrique, le guépard du Sahara qui est une sous-espèce de petite taille au pelage clair survit difficilement au Niger, au nord Mali et dans le sud de l’Algérie. Le guépard est par ailleurs en voie d’extinction dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Plus répandu en Afrique orientale et australe notamment dans les grands parcs nationaux où il peut jouir d’un surcroit de protection. Toutefois, sous la pression des lions et des hyènes tachetées qui peuplent les aires protégées il peut sortir des aires protégées pour échapper à la compétition et se rapprocher des zones habitées à l’instar du lycaon. Or, le guépard n’a pas la capacité de vivre à proximité des hommes comme le léopard qui est beaucoup plus adaptable.


Le guépard est souvent confondu avec le léopard alors que ces deux animaux sont très différents. Le guépard est plus haut sur pattes, plus fin, avec une petite tête et des taches pleines. Le léopard est un animal beaucoup plus puissant, trapu, plus court sur pattes, avec une grosse tête équipée de mâchoires puissantes. Par ailleurs ses taches sont en forme d'ocelles. Le léopard a des griffes rétractiles qui lui servent à attraper ses proies alors que le guépards a des griffes semi-rétractiles qui lui servent de crampons quand ils sprintent. Il utilise son ergot pour faire trébucher ses proies.


Guépard femelle (Sud Serengeti, Tanzanie)

MENSURATIONS

Longueur (sans la queue) : 108-152 cm
Hauteur au garrot : 73-96 cm
Poids : F=21-51 kg ; M=28,5-64 kg

Le guépard du Sahara est plus petit avec un poids variant de 20 à 45 kg.

ECOLOGIE

Habitat : Le guépard fréquente une grande diversité de milieux ouverts comme les semi-déserts comme le Kalahari, les savanes d’herbes rases comme le sud du Serengeti mais s’aventurent également dans les vrais déserts comme le Sahara et le Namib en suivant les rares cours d’eau. Contrairement à l’image véhiculée dans les documentaires animaliers, le guépard fréquente également les savanes arborées et buissonneuses, le bush où le surcroit de végétation lui permet de dissimuler ses proies et ses petits des autres prédateurs. Le guépard prospère particulièrement dans les mosaïques alternant milieux boisés ouverts et prairies. Il évite en revanche la forêt dense humide et les zones de végétation dense.

Nourriture : La vitesse, le gabarit léger et la faiblesse relative des mâchoires du guépard le destine à être un prédateur d’ongulés rapides de petite et moyenne taille comme les gazelles et les antilopes pesant moins de 80 kg. Parmi ses proies de prédilection, on trouve donc toutes les gazelles africaines comme la gazelle de Thompson, les gazelles apparentées au groupe de la gazelle de Grant, la gazelle de Soemmering, la gazelle Dorcas, la gazelle dama pour ne citer que les plus communes. Parmi les antilopes, le guépard jette surtout son dévolu sur les springboks, les impalas, les reduncas, les kobs, les pukus, les lechwes, petits koudous. Il chasse également les jeunes et subadultes des espèces plus grandes comme les gnous, topis, bubales, gemsboks, koudous, cobes onctueux et defassa, antilope rouanne. Les poulains de zèbre et les petits phacochères sont également des proies de prédilection. Il est en revanche exceptionnel qu’un guépard solitaire s’en prenne aux adultes de ces espèces qui pourraient le blesser même s’il existe au moins un cas d’attaque réussie d’un guépard sur une antilope rouanne adulte et sur une femelle de grand koudou adulte.

Les coalitions de guépards mâles qui comptent de deux à cinq membres sont en revanche capables de s’attaquer à des zèbres et grandes antilopes adultes comme les gnous, bubales, topis, grands koudous, cobes et même des gemsboks subadultes comme la démontrer Gus Mills dans son étude sur les guépards du Kalahari. Dans le Masai Mara, une coalition de cinq guépards appelé « les mousquetaires » tuent régulièrement des grandes proies comme des bubales, des gnous et des zèbres adultes. En Afrique du Sud, des guépards s’en prennent régulièrement à des nyalas mâles pesant plus de 100 kg. Parmi les proies inhabituelles on compte également des autruches même adultes et des jeunes girafes.

Le guépard chasse également régulièrement des proies beaucoup plus petites comme des lagomorphes, des petites antilopes comme les diks diks, sunis, steenboks, céphalophes, oribis et autres grysboks.

Lorsqu’il chasse et à l’instar des autres félidés, le guépard rampe le plus près possible de sa proie avant de se lancer dans un sprint foudroyant pour la rattraper à une vitesse qui peut aller jusqu’à´110 km/h mais qui en moyenne se situe plus aux alentours des 80 km/h et qu’il peut soutenir pendant 300 m avant de devoir s’arrêter afin d’éviter toute lésion cérébrale. Lorsqu’il se rapproche de sa proie, il la déséquilibre en lui donnant un coup de son ergot situé sur ses pattes avant. En effet, contrairement au lion ou au léopard aui possèdent des griffes rétractiles leur permettant de saisir leur proie pour la mettre au sol, les griffes du guépard sont semi-rétractiles et opèrent comme des crampons pour l’arrimer au sol lorsqu’il est en course et lui donner de l’élan. Il ne peut donc attraper sa proie pour la jeter au sol comme les autres grands félins et utilise l’ergot crochu de ses pattes avant pour les faire trébucher ses victimes Le coup d’ergot est donné soit sur les pattes arrières de la proie ou sur sa croupe ce qui dans les deux cas a pour effet de la faire trébucher. Une fois à terre, le guépard saisit la gorge de sa victime entre ses mâchoires pour l’étouffer à la manière classique des félidés. Lorsque la victime pèse plus de 80 kg, le guépard n’est pas toujours en mesure de la faire trébucher et s’agrippe alors à sa croupe avec ses deux pattes avant en tentant de la déséquilibrer.

Lorsque les guépards chassent en groupe, ils emploient la même tactique Les études de Tim Caro dans le Serengeti ont démontré que les guépards gardent un comportement individualisé et montrent peu de coordination lorsqu’ils chassent en groupe. En général, le premier guépard qui arrive à atteindre la proie tente de la mettre à terre en attendant que ses compagnons le rejoignent et s’agrippent à la proie de manière désordonnée tout en mordant n’importe quelle partie du corps de la proie jusqu’à ce qu’un des guépards parvienne à atteindre la gorge de la victime pour l’étouffer par la morsure fatale caractéristique des félidés. Chasser en groupe ne permet pas tant d’améliorer le succès à la chasse mais plutôt de chasser des proies plus grosses ce qui permet à chaque guépard de bénéficier de plus de nourriture. Le guépard reste le deuxième prédateur le plus efficace d’Afrique derrière les lycaons.

Capturer la proie n’est pas le plus dur pour les guépards, la garder est en réalité le véritable défi. Dans les milieux ouverts comme le Serengeti, les autres grands prédateurs comme les lions, les hyènes tachetées et les léopards repèrent au loin les nuages de fumée provoquée par les cavalcades des proies ou suivent le vol des vautours qui indiquent la localisation des proies tuées par les guépards. Les guépards opposent peu de résistance face aux autres prédateurs. Lions, hyènes, lycaons et léopards ne rencontrent aucune difficulté à déposséder un guépard du butin de sa chasse. Même une coalition de cinq guépards mâles aura tendance à battre en retraite face à une hyène solitaire ou un léopard et leur laisser leur proie plutôt que de les combattre. Il arrive parfois qu’un ou deux membres d’une coalition tiennent la hyène en respect pendant que les autres se repaissent de la proie mais ils finiront par déserter les lieux dans la crainte que la hyène rameute ses congénères. De même, il existe des cas rares où des coalitions de cinq guépards soient parvenues à mettre un léopard en fuite. Le guépard qu’il soit solitaire ou en groupe arrive en général à maintenir chacals et vautours à distance mais si les vautours sont trop nombreux, ils peuvent inciter le guépard à déserter les lieux de peur encore qu’ils n’attirent des prédateurs plus puissants. Il est rare que le guépard se fasse charognard.

Comportement et structure sociale : La structure sociale du guépard est atypique. Plus social que le léopard, il reste moins social que le lion. Les femelles sont solitaires et nomades alors que les mâles sont territoriaux et s’assemblent parfois en coalition. Les femelles errent sur de vastes domaines vitaux pouvant atteindre plusieurs centaines de km2 lorsque les proies sont rares comme dans le Kalahari. Les territoires des mâles sont plus petits. Dans les régions riches en gibier, ils atteignent une superficie de plusieurs dizaines de km2 ( de 30 à 50 km »). Les mâles établissent des territoires lorsqu’il y a une densité suffisante de femelles guépards dans une localité donnée pour augmenter leurs chances d’accouplement. La densité de femelles dépend directement de la concentration importante de proies. Les femelles guépards suivent les mouvements des proies. Lorsque ces dernières sont rares, la population de femelle guépard sera beaucoup plus dispersée. Il n’y aura guère d’intérêt pour les mâles d’établir des territoires et ces derniers deviendront nomades comme les femelles. Les mâles guépards surtout s’ils sont solitaires peuvent également devenir nomades lorsqu’ils ne sont pas assez puissants pour garder un territoire face à la concurrence des autres guépards mâles. C’est là tout l’intérêt pour les guépards mâles de s’assembler en coalition dans la mesure où en associant leur force ils seront plus à même de défendre un territoire face aux mâles adverses et d’accroître les opportunités de s’accoupler pour chaque mâle de la coalition. Les territoires sont marqués par l’urine et les fèces. Cela permet également aux guépards mâles de capturer des proies plus grosses et donc d’augmenter les ressources en protéines pour chaque mâle de la coalition. Plus il y aura de mâles dans la coalition, plus elle sera puissante. Ces coalitions sont souvent formées de frères d’une même portée mais également de guépards mâles qui se sont associés au cours de leurs pérégrinations au sortir de leur adolescence. La compétition entre guépards mâles pour l’accès aux femelles ou dans la défense des territoires est assez intense et donnant lieu à des combats violents pouvant entrainer la mort. Les femelles sont plus tolérantes l’une envers l’autre mais gardent leur distance surtout lorsqu’elles ont des petits.
Le répertoire vocal du guépard est inhabituel parmi les félins. Ils ne rugissent pas mais grognent lorsqu’ils sont menacés. Les petite gazouillent comme des oiseaux, les adultes ronronnent et émettent une sorte de piaillement lorsqu’ils appellent leur congénères.

Comportement reproducteur : Les guépards se reproduisent toute l’année. L’accouplement est assez violent et traumatique pour les femelles guépards. En effet, lorsqu’elle fait face à des mâles, ces derniers après avoir testé sa réceptivité en reniflant ses parties génitales, la harcèlent et la retiennent jusqu’à temps qu’elle cède à leurs avances. C’est d’autant plus vrai si les mâles sont en coalition La femelle se défend et charge le ou les mâles qui la courtisent. Dans les coalitions de mâles, l’un des mâles sera dominant sur les autres et monopolisera les opportunités d’accouplement sans pour autant avoir d’exclusivité. La mâles non-dominants d’une coalition auront toutefois plus d’opportunités d’accouplement qu’un guépard solitaire nomade. La femelle donne naissance à des portées de un à six petits après une gestation de  90 à 98 jours. Mais beaucoup meurent dans les premières semaines en raison des prédateurs. La femelle se réfugie dans la végétation pour mettre bas. Les petits naissent aveugles. La femelle les change de cachette régulièrement pour éviter d’attirer des prédateurs comme les hyènes. Après cinq semaines, les petits sont conduits aux proies tuées par la mère. Au bout de six mois, la mère leur rapporte des proies vivantes comme des faons de gazelles ou des lièvres pour leur apprendre à chasser et à exercer la morsure fatale. Les petits sont capables de chasser au bout d’un an. Après avoir atteint leur maturité et quitter leur mère,  les jeunes guépards mâles et femelles restent entre eux pendant quelques temps mais la jeune femelle sera la première à devenir indépendante. Les jeunes mâles restent entre eux et formeront une coalition pour la vie.

Les guépards sont des prédateurs diurnes ce qui leur permet d’échapper à l’attention de leurs compétiteurs comme les lions, les léopards et les hyènes qui sont des prédateurs nocturnes. Ils se reposent néanmoins aux heures les plus chaudes de la journée. Il est rare qu’ils soient actifs la nuit où ils se réfugient dans la végétation.

Prédateurs : Lions, léopards, hyènes tachetées et meutes de lycaons sont tous dominants sur les guépards et leur volent leur proie dès qu’ils le peuvent et sont tous capables de tuer un guépard adulte sans oublier le crocodile du Nil. Si la vitesse supérieure du guépard le met à l’abri des prédateurs, un lion ou un léopard peut toujours surprendre un guépard inattentif. Le léopard considère le guépard comme une proie et montera la carcasse dans un arbre comme s’il s’agissait d’une antilope. Un guépard solitaire ne fera pas le poids face à un léopard et même les coalitions de guépard évitent en général la confrontation. Le lion tue également les guépards adultes et les petits à l’occasion mais plus dans le but de supprimer un compétiteur. Les hyènes tachetées, brunes et rayées considèrent le guépard comme un pourvoyeur de nourriture et lui volent souvent sa proie ou tuent ses petits. Il est rare qu’une hyène cherche à tuer un guépard même si elle en est capable à moins que ce dernier se refuse à abandonner sa proie. Les lycaons en meute peuvent également dérober sa proie aux guépards même si le guépard est plus puissant qu’un seul lycaon. Comme les hyènes, une meute de lycaon peut potentiellement tuer un guépard s’il représente une menace pour les petits. Les crocodiles du Nil sont un danger aux points d’eau. Une vidéo tournée dans le Kruger montre un crocodile du Nil tuant un guépard venant s’abreuver. Dans le Serengeti, un guépard qui était tombé dans une rivière en poursuivant un redunca, s’est fait immédiatement attaquer par un crocodile. La scène a été filmée et postée également sur Youtube. Les pythons de Seba sont également un danger potentiel même si aucun d’attaque n’a été répertorié. Les guépards cèdent également devant les babouins qui peuvent leur voler le produit de leur chasse. En plus des prédateurs précités, les jeunes guépards sont également victimes des chacals, des rapaces et peuvent également être piétinés par les grands herbivores. Les mères guépards font pourtant preuve d’une audace et d’un courage extraordinaires en défendant les petits. Pour ce faire, elles n’`hesiteront pas à faire face et à harceler un lion, un léopard ou une hyène en les frappant de ses pattes avant de battre en retraite grâce à sa vitesse supérieure afin de détourner leur attention des petits leur offrant ainsi le temps de fuir. Le guépard domine seulement les chacals, les vautours et les félidés plus petits que lui.

Meilleurs endroits pour l’observer : Dans mon expérience, les grands parcs nationaux d’Afrique de l’Est et plus particulièrement le Serengeti et le Masai Mara offrent les meilleures opportunités. Les parcs d’Afrique australe comme le parc transfrontalier du Kalahari et  Moremi au Botswana, Etosha en Namibie, le Kruger et Phinda en Afrique du Sud sont également des endroits propices à l’observation du guépard mais peut-être à une fréquence moindre. Même en Afrique de l’Est, les observations de guépard sont de plus en plus rares. Dans des parcs comme Amboselli ou Nairobi au Kenya où il était commun, il devient très rare de les observer. C’est une opinion personnelle, mais au cours de mes dernières sorties en brousse en Afrique de l’Est, observer des guépards est devenu plus difficile que d’observer des léopards sauf dans l’écosystème Mara-Serengeti. J’avais pu observer un guépard dans le Ngorongoro en 2002, de 2015 à 2017 je n’en ai plus jamais revu.