LE LYCAON

Le lycaon est un canidé à l'allure élancée de la taille d'un berger allemand. Son pelage est constellé de taches noires, blanches et fauves. Les lycaons d'Afrique sont plus colorés que leurs congénères d'Afrique orientale et occidentale.  Vivant en meutes, c'est le prédateur le plus efficace d'Afrique avec un taux de réussite de 85% largement supérieur à celui des hyènes, lions et léopards devant le guépard. Malgré ses prouesses de chasseur, le lycaon est le grand prédateur le plus menacé d'Afrique. En dehors de la compétition interspécifique avec les lions et les hyènes tachetées qui lui imposée de vivre à la marge ou en dehors des zones protégées, le lycaon est persécuté par les éleveurs pour des déprédations fantasmées sur le bétail et par les hommes en raison de préjugés tenaces faisant de lui un tueur indiscriminé d'antilopes. Le lycaon ne tue pourtant que pour se nourrir.

Autrefois répandu du Sénégal à l'Afrique du Sud à l'exception du Bassin du Congo et de la forêt équatoriale africaine, on ne le trouve plus que dans les savanes mésiques d'Afrique orientale et australe. Il est devenu particulièrement rare en Afrique orientale et avait disparu du Serengeti dans les années 70 avant un retour récent timide dans les réserves privées entourant le Parc National. Il a quasiment disparu de l'Afrique de l'Ouest sauf peut-être au Sénégal.


Lycaon (Moremi, Botswana)

MENSURATIONS

Longueur : 84-120 cm
Hauteur au garrot : 75-85 cm
Poids : F= 24 kg; M= 30 kg
En Afrique de l'Est, le lycaon est plus petit avec un poids moyen de 20 kg.



ECOLOGIE

Habitat : Les lycaons est présent dans tous les écosystèmes de savane mais on le trouve également dans les steppes, les semi-déserts, le bush, les savanes d'herbes courtes, les savanes arborées et boisées, le miombo et même en altitude (Kilimandjaro). Il évite seulement les vrais déserts comme le Sahara et la forêt équatoriale humide. Certaines populations isolées hantent cependant certaines forêts montagne comme la forêt de Harena dans le massif du Bale en Ethiopie.

Nourriture : Les lycaons chassent presque toujours en meute ce qui leur permet de capturer des proies plus imposantes que ce que leur gabarit laisse suggérer. En général, ils ont une prédilection pour les ongulés de taille moyenne pesant moins de 100 kg comme les impalas, les gazelles, les springboks les reduncas, les guibs harnachés, les lechwes, les nyalas, les koudous les jeunes et subadultes des grandes antilopes comme les gnous, bubales, topis, gemsboks, hippotragues noirs et rouans. Une meute de lycaons suffisamment nombreuse et déterminée est tout à fait capable de terrasser des grandes antilopes comme les hippotragues noirs et rouans, les gemsboks, les gnous, bubales, topis, élands et même des zèbres adultes. Une meute de lycaons dans le Serengeti était d’ailleurs spécialisé dans la chasse au zèbre. Exceptionnellement, les lycaons sont capables de venir à bout d’un buffle surtout s’il est invalide. Lorsqu’ils sont seuls, ce qui est relativement rare, les lycaons se rabattent sur des petites proies comme des lagomorphes, des rongeurs, des petites antilopes comme les diks-diks, céphalophes, steenboks et sunis voir une gazelle adulte. Un lycaon solitaire peut venir à bout d’un impala mais non sans difficulté. Même en meute, il leur faut beaucoup de temps pour terrasser des animaux imposants comme des zèbres ou des gnous adultes. Cela explique par ailleurs l’absolue nécessité pour les lycaons de vivre en meute dans la mesure où il est très difficile pour une petite meute de moins de cinq individus de tuer non seulement des proies suffisamment grosses pour nourrir chaque membre du clan mais également de la défendre face aux lions et surtout aux hyènes tachetées qui essaient de leur voler leur proie.

Lorsqu’ils sont en chasse, les lycaons avancent à découvert en en baissant la tête à la manière des félidés. Les proies réagissent en s’enfuyant et les lycaons les suivent à une allure soutenue pour repérer un individu plus vulnérable que les autres avant de lancer la poursuite à plus grande vitesse. Les lycaons épuisent leur victime à la course grâce à leur endurance supérieure. Ils sont capables de maintenir une vitesse de 65 km/h sur plusieurs km ce qui leur permet de rattraper leur proie pourtant plus rapide dans la plupart des cas ce qui explique par ailleurs leur taux de réussite élevé. Chaque fois que la proie fait une embardée pour échapper à un poursuivant, un autre lycaon lui barre la route ce qui a souvent fait penser à tort aux observateurs que les lycaons se relayaient entre eux. Une fois qu’un lycaon arrive à portée de mâchoires, il la harcèle de morsures au bas-ventre et aux parties génitales en tentant de l’immobiliser en attendant les renforts. Lorsqu’il s’agit de grosses proies comme des zèbres ou des gnous adultes, un lycaon saisit parfois la proie au museau ce qui a pour effet de l’immobiliser pendant que les autres lycaons l’éviscèrent. C’est le fait que la victime soit encore vivante au moment où elle est dépecée qui a contribué à donner aux lycaons leur si mauvaise réputation. La mort de la proie qui est en état de choc catatonique reste cependant rapide à cause de la perte de sang engendrée.

Comportement et structure sociale : Les lycaons vivent en meute pouvant aller de deux à une vingtaine d’individus même si par le passé il pouvait y avoir des meutes de plusieurs dizaines d’individus. La meute est dirigée par un couple alpha et il existe une hiérarchie stricte entre les membres d’un même sexe. Le mâle et la femelle alphas décident des mouvements de la meute. La hiérarchie est maintenue par des postures plutôt que par l’agression assez rare dans les meutes de lycaons. Lorsque leur statut est menacé, l’animal dominant utilise la posture utilisée lors de la chasse en approchant de l’individu subordonné en baissant la tête de manière menaçante comme s’il s’agissait d’une proie. Il existe un rituel de soumission où l’animal au statut inférieur adopte la posture des chiots lorsqu’ils quémandent de la nourriture aux adultes en léchant et en mordillant la lèvre de l’animal dominant. Le mâle et la femelle alphas gardent leur statut pratiquement à vie. C’est souvent lors de la mort de l’un d’entre eux qu’un lycaon au statut inférieur peut accéder au statut alpha. Des combats rares peuvent éclater lorsqu’un animal cherche à s’élever dans la hiérarchie en défiant un autre lycaon. Dans cette hypothèse, les deux combattants se dressent sur leurs pattes arrières et se mordent le coup et la tête dans le but de saisir la gorge de son adversaire. Lorsque l’un des adversaires parvient à assurer une prise sur la gorge de l’autre, il ne lachera prise que lorsque le lycaon vaincu cessera tout mouvement. Une fois libéré, l’animal vaincu adoptera un comportement de soumission envers le vainqueur. Le couple alpha a également le monopole de l’accouplement. Dans l’hypothèse où une autre femelle donne naissance à une portée de chiots, ces derniers sont enlevés par la femelle alpha qui empêchera la mère des chiots de s’en approcher.

Ce sont les femelles qui émigrent de la troupe natale. Il est rare pour les mâles d’émigrer car leurs chances de se faire accepter par une nouvelle meute sont minces. Ces femelles sont souvent affiliées et l’une d’entre elles sera dominante sur les autres. Si elles rencontrent un groupe de mâles, elles ont toutes les chances de se faire accepter et de former une nouvelle meute au sein de laquelle la meneuse des femelles émigrantes deviendra la femelle alpha.  Doté d’une structure sociale complexe, les lycaons communiquent entre eux par tout un répertoire vocal formé de piaillements, hurlements, grognements et aboiements.

Les lycaons errent au sein de domaines vitaux de superficie élevée. Nomades, ils adoptent cependant un comportement territorial en défendant leur domaine vital contre les autres meutes. Le mâle et la femelle alphas marquent leur territoire à l’aide de leur urine et de leurs fèces, c’est d’ailleurs à cela qu’on reconnaît le mâle et la femelle alpha.

Les lycaons sont diurnes comme les guépards aux fins d’éviter la concurrence avec les prédateurs nocturnes plus puissants que sont les lions et les hyènes tachetées.

Comportement reproducteur : Seuls le mâle et la femelle alphas s’accouplent tout au long de l’année. Lorsque la femelle alpha est en chaleur, un autre lycaon (souvent le mâle alpha) l’accompagne et éloigne les autres mâles. Après une gestation de 70 jours en moyenne, la femelle met bas et peut donner naissance à des portées allant jusqu’à 10 petits. Lorsqu’ils ont une portée, les lycaons deviennent temporairement sédentaires et fixent leur territoire autour du terrier abritant la portée dont les alentours sont abondamment marqués. Lorsqu’ils partent chasser, un individu reste au terrier pour surveiller les petits et les défendre contre les prédateurs. Les petits sortent du terrier après trois semaines et sont sevré au bout d’un mois. Les adultes les nourrissent en régurgitant de la viande lorsque les petits le sollicitent. Le lycaon qui a assuré la surveillance des petits et la femelle alpha sont également nourris de cette façon. Les lycaons abandonnent le terrier lorsque les petits sont âgés de de 8 à 10 semaines et sont capables de suivre les adultes et de les accompagner à la chasse,

Prédateurs et compétiteurs : Les lions sont probablement la plus grande menace pesant sur les lycaons adultes. Beaucoup plus puissants, une troupe de lion aura invariablement le dessus sur une meute de lycaons quelque soit le nombre de lycaons présents. Un ou plusieurs lycaons peuvent être tués par des lions en défendant leurs petits contre les félins.  En revanche, une meute de lycaons peut se défendre efficacement contre un lion solitaire ou un couple et les mettre en fuite à condition qu’ils soient en nombre suffisants. Il est déjà arrivé qu'un lion isolé soit tué par une meute de lycaons.

Les hyènes tachetées sont plutôt des compétitrices qui cherchent à s'approprier les proies des lycaons plutôt que de s'en prendre à eux directement. Il peut arriver que des hyènes suivent les lycaons en chasse pour s'approprier la carcasse une fois la proie tuée. Une hyène est près de deux fois plus grande qu'un lycaon et la puissance de sa mâchoire est sans égale. Les lycaons doivent être en surnombre pour pouvoir espérer repousser les hyènes ce qui arrive relativement fréquemment. Les lycaons font preuve d'une grande cohésion et de beaucoup de coordination lorsqu'ils sont attaqués par des hyènes qui pour leur part gardent des comportements individuels permettant aux lycaons de s'attaquer à chaque hyène l'une après l'autre et de les repousser. Pour ce faire, un ou deux lycaons font face à la hyène et esquivent ses attaques pendant que d'autres attaquent son arrière train plus sensible. Si les hyènes sont trop nombreuses, elles parviennent généralement à s'approprier la proie des lycaons. Même lorsqu'elles sont sensiblement moins nombreuses, leur puissance et leur persistance peuvent leur permettre d'arriver à leur fin. Les hyènes solitaires ou en duo sont en revanche repoussées par une meute comprenant au moins quatre ou cinq lycaons, surtout lorsqu'elles cherchent à s'en prendre un chiot. Les lycaons poursuivent alors la hyène ou le couple de hyènes sans relâche et leur mordent l'arrière train jusqu'au sang poussant ces dernières à s'adosser à un épineux pour se protéger des attaques par derrière. Bien qu'une hyène soit plus puissante qu'un lycaon adulte, il est rare qu'une hyène s'en prenne à un lycaon adulte, les petits en revanche sont une proie de prédilection.

Les léopards sont en revanche des prédateurs occasionnels pour les lycaons même adultes si ces derniers sont isolés, perdus et se retrouvent sans le soutien de la meute. Il peut également arriver qu'un léopard dérobe la proie d'un lycaon ou d'un petit groupe d'entre eux (pas plus de trois). En revanche, les léopards évitent soigneusement de se frotter à une grande meute de lycaons et se réfugient dans les arbres à leur approche. Il peut arriver qu'une meute de lycaons mette en fuite un léopard pour lui dérober sa proie, voir le tuer s'il représente une menace pour les petits. Il en va de même pour les guépards, une meute de lycaons sera en mesure de mettre en fuite un guépard ou même une coalition afin de leur dérober leur proie. Il existe des vidéos sur Youtube ou une meute de lycaons comptant une dizaine d'individus parviennent à mettre en fuite un couple de guépards. Comme pour le léopard, un lycaon isolé ne fera pas le poids face à un guépard mais il n'existe pas, à la différence du léopard, de cas de prédation de guépard sur un lycaon. Il est en revanche déjà arrivé que des lycaons tuent un guépard.

Les crocodiles du Nil et les pythons de Seba représentent également un danger pour les lycaons adultes comme pour les petits. Alors qu'une meute restera impuissante face à un grand crocodile du Nil qui s'en prendrait à un des leurs, un python de Seba pourrait devenir la proie d'une meute de lycaons et ne peut s'en prendre qu'à un lycaon isolé.

En résumé, une meute de lycaons comptant au minimum cinq membres sera en mesure de faire face à la plupart des grands prédateurs africains à l'exception des lions et des hyènes lorsqu'ils sont en nombre. En revanche un lycaon solitaire, ce qui reste une situation inhabituelle, ou même une petite meute de deux ou trois ou lycaons auront toutes les peines du monde à s'imposer face aux lions, hyènes et léopards et disparaissent assez rapidement.

Meilleurs endroits où les observer : Les lycaons sont les prédateurs les plus difficiles à observer. La concurrence avec les lions et les hyènes tachetées les poussent souvent en dehors des réserves où ils sont persécutés par les éleveurs. Par ailleurs, leurs moeurs nomades ne facilitent pas leur localisation. Le Selous en Tanzanie du Sud, la réserve de Moremi et les réserves privées du Botswana comptent parmi les meilleurs endroits d'Afrique pour les observer de même que la réserve de Mana Pools au Zimbabwe. Les parcs nationaux de South Luangwa et de Kafue en Zambie présentent également de bonnes opportunités et dans une moindre mesure le Parc Kruger en Afrique du Sud. Ils sont devenus très rares au Kenya et en Tanzanie du Nord
Globalement l'Afrique australe offre de bien meilleures possibilités d'observation que l'Afrique de l'Est où il était jadis si commun. On le trouve encore dans le Ruaha et à Mikumi en Tanzanie du Sud avec un peu de chance.