L'ANTILOPE ROUANNE

L'antilope rouanne est bien entendu membre de la famille des hippotraginés et a connu une histoire tragique similaire à celle de l'hippotrague noir dont il est très proche. Autrefois très commun, il a pratiquement disparu d'Afrique de l'Est à l'exception du sud de la Tanzanie et les plus importantes populations sont concentrées dans quelques poches de l'Afrique australe. On distingue deux sous-espèces très similaires en apparence: l'antilope rouanne d'Afrique australe dont l'aire de répartition s'étend de manière discontinue du Nord-Est de l'Afrique du Sud à l'Ethiopie en passant par le Zimbabwe, la Zambie, la Namibie, l'Angola, le Malawi, le Botswana, le Rwanda, l'Ouganda, la Tanzanie, le Mozambique et le Kenya. La deuxième sous-espèce se distingue par sa robe plus vive aux teintes rougeâtres. Elle est inféodée aux savanes d'Afrique de l'Ouest du Senegal au Tchad en passant par le Mali, le Burkina Faso, le Bénin, la République Centrafricaine, le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Togo où elle est l'herbivore dominant.

Proche de l'hippotrague noir en apparence il s'en différencie par sa robe bai, il est  aussi plus grand et légèrement plus massif mais ces cornes recourbées sont nettement longues. C'est la troisième antilope la plus grande après l'éland du Cap et l'éland de Derby et la quatrième plus grosse après les élands du Cap et de Derby et le bongo.

Antilope rouanne, Hwange, Zimbabwe

MENSURATIONS

Longueur: 200-265 cm

Hauteur au garrot: 130- 150 cm

Poids: 220- 300 kg (peu de dimorphisme sexuel, les femelles pèsent en moyenne 20 kg de moins que les mâles)

ECOLOGIE

Habitat: L'antilope rouanne préfère les habitats plus ouverts que ceux fréquentés par l'hippotrague noir même s'ils souvent sympatriques en Afrique australe comme dans le parc de Chobe au Boswana. Il fréquente les savanes arbustives, le bush, les écotones qui sont des zones de transition entre les savanes arborées et les savanes herbeuses et les collines. On la trouve également dans les forêts de miombo et dans des zones boisées dépourvues de canopée et peu denses à l'instar de l'hippotrague noir. Il n'est pas rare de l'observer également dans les plaines inondables (plaines de Busunga à Kafue en Zambie). Elles évitent également les plaines d'herbes courtes.

Nourriture : L'antilope rouanne est principalement herbivore et se fait phyllophage à l'occasion (5% selon Joubert) surtout pendant la saison sèche. Son régime alimentaire est très sélectif comme le suggère son museau relativement fin. Ils ont une prédilection pour les plantes herbacées de hauteur moyenne entre 5 et 30 cm (Chardonnet & Crosmary in Kingdon) à haute valeur nutritive. Elles se nourrissent occasionnellement de feuillage et de feuilles d'arbustes et de buissons. Dans les forêts de miombo, à l'inverse, elle ne se nourrit que de plantes fibreuses à faible valeur nutritive mais il compense cet inconvénient par l'absence d'autres espèces herbivores pouvant lui faire concurrence. Il se nourrit d'herbes plus hautes que l'hippotrague noir. L'antilope rouanne souffre énormément de la concurrence avec les autres herbivores en particulier les buffles, les zèbres et dans une moindre mesure les gnous qui maintiennent l'herbe à une hauteur trop courte pour être consommée par les antilopes rouannes et dont les effectifs sont bien plus importants que ceux de l'antilope rouanne. C'est ainsi que la population d'antilope rouanne du Kruger a frôlé l'extinction dans le Parc Kruger en raison de la surconsommation des plantes dont elle se nourrissait par les espèces herbivores concurrentes. Elles évitent donc les fortes concentrations d'herbivores surtout s'ils sont des consommateurs de masse d'herbes mi-hautes à faible valeur nutritive comme les zèbres et les buffles.

Comportement et structure sociale : La structure sociale de l'antilope rouanne semble plus souple que celle de l'hippotrague noir notamment s'agissant de la territorialité. Il existe des doutes quant à savoir si le mâle établit des territoires ou non. En réalité, il semble que cela soit variable en fonction des localités. C'est une espèce relativement grégaire et sédentaire. La structure de base est la harde reproductrice composée de 4 à 20 femelles et leurs petits dirigée par un mâle dominant. Des aggrégations temporaires de plusieurs centaines d'individus peuvent se former en période d'abondance.
Il semble que le mâle ne défende pas un territoire entendu comme un site comprenant des ressources alimentaires susceptibles d'attirer des femelles mais plutot un espace situé autour d'une harde de femelle auquel il est attaché. C'est particulièrement vrai lorsque les densités d'antilopes rouannes sont faibles. Lorsque les densités de rouannes sont plus fortes notamment en raison de l'abondance de ressources alimentaires, le mâle peut alors former un territoire au sens classique du terme dont il défendra les frontières en patrouillant et déposant ses fèces à intervalle régulier le long des bordures et en encornant et détruisant la végétation alentour ce qui constitue un marqueur visuel et auditif du territoire occupé.

Même lorsqu'un mâle dominant est attaché à une harde reproductrice de femelle, c'est la femelle dominante qui dicte les mouvements de la harde et décide des activités qu'il s'agisse de se nourrir, de s'abreuver ou de se déplacer. Le mâle interfère peu même s'il peut parfois déterminer les mouvements de la harde. La hiérarchie entre la harde, à l'exception du statut spécial du mâle dominant est déterminée par la séniorité. Les femelles les plus âgées dominent les autres et les jeunes qu'ils soient mâles ou femelles. Les membres de la harde maintiennent une certaine distance spatiale entre eux. La harde, sédentaire, évolue au sein d'un domaine vital exclusif pouvant atteindre une superficie de 120 km2. Le mâle dominant repousse activement les autres mâles qui tenteraient d'interagir avec les femelles de la harde et finit par chasser les mâles subadultes de la harde lorsqu'ils atteignent l'âge de trois ans. L'affirmation de la dominance chez le mâle de l'antilope rouanne est semblable à celle que l'on trouve chez les autres antilopes avec la présentation de profil, la posture fière en redressant la tête, la présentation des cornes à mi-hauteur pointées vers l'animal subordonné, balancement des cornes, frottement ou coup de cornes sur la croupe de l'animal subordonné charge et poursuite de l'animal au statut inférieur. Les antilopes rouanes au statut inférieur lorsqu'elles sont confrontées un individu dominant qu'il s'agisse de la femelle ou du male alpha procèdent une cérémonie d'appaisement où elles bondissent en baissant la tête lorsque l'individu dominant les heurte de leurs cornes sur la croupe.

Les combats entre antilopes rouannes sont peu fréquents mais violents. Comme les hippotragues noirs, elles s'agenouillent sur leurs pattes antérieures pour combattre avant de tenter de s'encorner tout en parant les coups. Les combats sont fréquents dans les hardes de mâles célibataires où les jeunes mâles joutent pour établir une hiérarchie entre eux ce qui permettra d'éviter des combats futurs. Une autre hypothèse est celle où un jeune mâle mature tentera de prendre la place d'un mâle dominant au sein de la harde. Lorsqu'il est chassé de sa harde natal, les jeunes mâles peuvent rejoindre des hardes de mâles célibataires qui errent à la marge des hardes reproductrices dans des zones pauvres en ressources alimentaires. Dès qu'ils atteignent leur maturité, les jeunes mâles tenteront de prendre la tête d'une harde en chassant le mâle alpha ou en établissant un territoire dans les zones où les populations d'antilopes rouannes sont plus fortes. Les vieux mâles chassés de la harde peuvent également rejoindre une harde de mâles célibataires ou peuvent rester solitaires.


Les antilopes rouannes sont plutôt des animaux diurnes qui se nourissent dès l'aube jusqu'au milieu de la matinée. Elles se retirent dans le couvert végétal aux heures les plus chaudes de la journée pour se reposer et ruminer. Elles se nourrissent à niveau en fin d'après-midi jusqu'au crépuscule. A la tombée de la nuit elles se retirent pour ruminer. Elles peuvent se nourrir pendant la nuit.

Comportement reproducteur : Il semble que l'antilope rouanne se reproduise toute l'année. La parade nuptiale est celle que l'on retrouve chez la plupart des antilopes. Le mâle dominant parade tête haute et effectue la présentation de profil. Il teste l'urine de la femelle pour déterminer sa réceptivité en effectuant le flehmen suivi par le laufschlag en prélude à l'accouplement.
Après une gestation allant de 9 mois à 9 mois et demi, la femelle se retire dans le couvert végétal pour mettre bas. Le petit reste caché dans la végétation jusqu'à 6 semaines, période pendant laquelle la femelle vient le voir le matin et en fin de journée pour lui permettre de têter. Le veau est particulièrement vulnérable pendant cette période. Après 6 semaines, le veau retrouve la harde où il se joint à d'autres jeunes sous la surveillance d'une femelle adulte.

Prédateurs: Comme l'hippotrague noir, l'antilope rouanne est un formidable combattant qui est rarement attaqué par les prédateurs ce qui est une bonne chose étant donné sa faible population. Les antilopes rouannes n'hésiteront pas à se défendre face à leurs prédateurs et ont également une distance de fuite assez courte. Des rapports font état de cas où un groupe d'adultes n'a pas hésité à faire front face à deux lions en embuscade et sont même parvenus à les mettre en fuite. Les lions, les hyènes tachetées et les meutes de lycaons demeurent les principaux prédateurs des adultes. Selon Pienaar, les léopards et les guépards sont des prédateurs occasionnels dans le Kruger. Il existe un cas répertorié de prédation de guépards sur une antilope rouanne mâle adulte (Spinage). Les léopards peuvent s'en prendre exceptionnellement aux adultes mais se tournent plus volontiers vers les subadultes et les jeunes. Le crocodile du Nil est un prédateur confirmé pour toutes les classes d'âge. Les chacals peuvent s'en prendre aux nouveaux-nés. 

Meilleurs endroits pour l’observer: Les mêmes que pour l'hippotrague noir avec en premier lieu Kafue en Zambie, Chobe au Botswana, Hwange au Zimbabwe, et dans une moindre mesure, Ruaha et Mikumi en Tanzanie et le Kruger en Afrique du Sud. Comme l'hippotrague noir, c'est une espèce qu'il est difficile d'approcher à moins de 30m, et dont la distance de fuite par rapport aux véhicules est assez élevée. Selon mon expérience, le Parc de Chobe au Botswana est probablement l'un des meilleurs endroits où l'observer.